Nous étions présents le 9 février 2008 à Gandrange avec les salariés en lutte pour leur apporter le soutien de la FSU et demander avec eux le maintien de l’activité industrielle dans ses trois composantes l’aciérie, le TAB et le LCB sur le site. De nombreuses citoyennes et citoyens se sont déplacés ainsi que de nombreux élus de la vallée et bien au-delà.

Tous ont été émus lorsque Sébastien Macri, jeune militant de la CGT a pris la parole. Voici ci-dessous son discours.

Philippe NOLLER

Sébastien Macri, représentant CGT au TAB et jeune militant s’est exprimé

Gandrange : l’usine du futur, l’usine des jeunes

"Je m’appelle Sébastien Macri, j’ai 31 ans, marié et père de deux enfants de 3 ans et 1 an. Ma première pensée va vers eux, vers l’avenir auquel je contribuerai avec les autres hommes à leur offrir un avenir de prospérité et de paix, plutôt qu’un monde de violences, généré par un système commandé par l’argent.

J’ai en poche un BAC de comptabilité. Après avoir passé 4 années de galère en interim, j’ai réussi à me faire embauché en 2004 comme technicien de contrôle.

J’aime ce que je fais et je veux continuer de développer mes compétences ici à Gandrange et pas ailleurs. Parce que c’est la seule usine en France qui fabrique des aciers longs, très techniques et avec une grande valeur ajoutée. L’acier d’il y a 10 ans n’a rien à voir avec l’acier d’aujourd’hui. Dans 10 ans, Gandrange pourra fabriquer encore d’autres nuances plus exigeantes, des aciers plus techniques, plus légers, plus écologiques. Gandrange, c’est l’usine du futur.

Gandrange est une usine pour les jeunes. Donc moi Sébastien Macri et tous ceux de ma génération disent haut et fort : "Nous resterons dans l’usine du futur et nous nous battrons pour elle".

L’acier de demain, certes c’est de la quantité mais ce sera surtout de la qualité.

Gandrange peut produire 1,2 millions de tonnes et de très bonne qualité. Les solutions pour sauver Gandrange, nous y réfléchissons à fond et sérieusement, avec mon syndicat la CGT et d’autres."

Gandrange : l’unanimité autour du volet industriel

"Je voudrais maintenant faire le point sur le chemin que nous avons parcouru ensemble depuis l’annonce du plan de fermeture décidé par Mittal :

"-" En un mois, presque jour pour jour, nous avons accompli une mobilisation remarquable. Dans un délai relativement court, tout le personnel de Gandrange s’est mobilisé et aussi tôt, la population et les élus locaux sont venus se souder à leur cause. Gandrange est devenue l’affaire de tous, de tous les lorrains et au delà au vu du retentissement provoqué par ce coup de tonnerre. Gandrange, ce fleuron, cet emblème de la sidérurgie serait la cible de Mittal et promis à la casse !

"-" Et bien, pour tous ce sera NON, il n’en est pas question ! Et nous, les jeunes, nous disons trois fois NON !!! Vous avez cassé la vie de nos grands-pères, puis celle de nos pères, vous ne briserez pas celle de leurs enfants et de leurs petits enfants ;

"-" Cette mobilisation est forte mais surtout elle est exceptionnelle dans l’histoire de la sidérurgie lorraine par ce qui la rassemble contrairement aux 40 ans de restructurations que nous avons connues. L’union l’entente se sont faite autour d’un point et d’un seul : le volet industriel et uniquement le volet industriel.

Personne, je dis bien personne n’a voulu s’engager sur la discussion du plan social. L’histoire, l’expérience nous montrent qu’en renonçant à l’industriel, en se résignant à ne discuter que de l’accompagnement social des fermetures et bien on a tout perdu. Cette fois-ci, on ne nous aura pas. On ne nous bluffera pas !

L’usine de Gandrange ne doit pas disparaître de la sidérurgie. Nous voulons notre usine avec ses trois outils : l’aciérie, le TAB et le LCB et avec ses 1000 emplois.

Pour la première fois l’unanimité s’est faite sur l’industriel, c’est une même, une sorte d’union sacrée. Puisque même le présidant de la République Française s’est associé à notre cause commune.

Nous sommes TOUS CONTRE Mittal… Donc, la cause est loin d’être perdue. Nous sommes encore tous là aujourd’hui pour le redire fort et en plus, nous serons prêts très prochainement pour lui présenter un plan de développement de Gandrange face à son plan de destruction.

Qui, ici, prendrait le risque de se mettre du côté de Mittal ?

Qui, ici, prendrait le risque de briser cet élan, cette belle unanimité, ce front uni d’opposition et de proposition ? Moi, je vous le dis comme je le pense, personne ne s’engagera sur un autre chemin !"

Gandrange : une ligne claire et des pièges à éviter

"Après l’étape de l’action, de la mobilisation est venue l’étape de la proposition alternative. Elle vous sera présentée bientôt. Et là, il faudra être tous derrière, sidérurgistes, populations, élus, président de la République et pousser fort pour imposer la proposition. Beaucoup d’experts, de conseillers, travaillent avec les syndicats. Il faudra fédérer toutes les idées dans un projet crédible et convaincant.

Les trois soeurs, l’aciérie, le TAB et le LCB forment un tout indissociable. On ne brisera pas la famille.

Gandrange doit faire une production d’acier comprise entre 1 et 1,2 million de tonnes et pas en dessous.

Gandrange doit conserver un carnet avec sa large gamme d’acier technique à haute valeur ajoutée : plus de deux cents nuances d’acier. Pour faire ça, il faut beaucoup de savoir-faire et de compétences. Il y a peu de gens capables de fournir un tel carnet aussi riche. Cet acier est cher à fabriquer mais il rapporte beaucoup d’argent, c’est l’acier de demain.

D’ailleurs, à ce propos, nous les jeunes, nous nous sommes demandés si la Direction de Gandrange était à la hauteur pour piloter l’usine. Elle ne croit pas à son avenir. Elle est molle est résignée.

Je terminerai par un appel à l’extrême vigilance. Cette Direction nous tend un piège énorme. Depuis quelques jours, elle négocie avec les syndicats un accord de méthode, c’est offrir la fermeture de Gandrange sur un plateau d’argent. Mittal veut nous enfermer dans un calendrier strict et nous interdire tous recours ultérieur en justice si on signe.

Ne grillons pas les étapes, nous pouvons l’emporter.

Je vous prie de me croire les idées avancent. 9a chauffe à la CGT, on étonnera les patrons, et surtout on étonnera Mittal !!!"

Gandrange : avec la CGT l’espoir demeure

"Je vais parler de mon syndicat, la CGT et pourquoi j’ai choisi de militer chez elle.

Pour moi, le syndicalisme veut dire défendre, lutter, conquérir, faire avancer le progrès social, lutter contre toutes les discriminations.

Au syndicat, on lutte dans la bonne humeur, on discute beaucoup, on revendique et on réfléchit. Je n’en finis plus de lire, de m’informer et de me documenter. C’est enthousiasmant. Ce qui est bien aussi, c’est la fraternité, la chaleur humaine, la solidarité, le sens des valeurs, du respect de la parole donnée, et de l’engagement. Et tout ça c’est à la CGT que je l’ai découvert et croyez moi je ne le regrette pas.

J’ai adhéré au syndicat en 2006, et j’ai été élus délégué en CE-DP en 2007. On m’a proposé des responsabilités que j’ai acceptées. Ce n’est pas facile, c’est prenant, aussi bien dans la tête que dans le coeur. Le gros problème c’est de concilier mon rôle d’époux, de père, de travailleur, de citoyens et de syndicaliste. La tâche est rude mais je n’ai pas l’intention de lâcher.

Je vous raconte tous ça parce qu’il faut que vous l’entendiez. Nous ne sommes pas des machines, ni des robots, ni l’objet d’une photo furtive ou d’un bref commentaire dans les médias. A ce propos, je vous assure que quand je lis la presse, j’écoute la radio ou je regarde la télé, je ne m’y retrouve pas du tout. Moi, je vis la lutte avec mes collègues et mes camarades et ce que disent les médias ne correspond pas à ma lutte, à notre lutte.

Parmi les vertus de celle-ci, l’une d’elle m’a appris à analyser, à ouvrir les yeux et à comparer. Jamais auparavant je ne me serais jamais douté de tout ça. On est jeune et on gobe tout. Maintenant, je me fais ma propre opinion avec ce que je vis.

Mais en vous parlant aujourd’hui, je veux vous faire comprendre que, derrière toutes les tonnes d’acier, tous les milliards d’euros, toutes les masses de chiffres, il y a des hommes, oui des hommes qui vivent, espèrent et doutent et souffrent.

De ceux-là, on en parle peu, si ce n’est sous forme de numéros, de matricules, de nombres, de coûts, de variables ou d’ajustement. Mais de leur coeur, de leur âme, de leurs drames, de leur courage, de leurs souffrances au travail, de leur intelligence, on n’en parle jamais.

Toutes les conquêtes sociales ont été arrachées dans la lutte par des hommes et femmes avec les syndicalistes. Des personnes anonymes pour la plupart d’entre elles.

L’histoire et les médias nous montrent que le premier alors qu’il n’est rien s’il est tout seul. Quand on parle cathédrale, on évoque que le roi ou le pape mais jamais l’ouvrier, le sculpteur, l’architecte ou le menuisier….

C’est au nom de tous ces hommes et de ces femmes que je vous dis un grand merci pour votre présence aujourd’hui. Votre solidarité et votre chaleur m’émeuvent et me fait chaud au coeur. Vous me donner l’énergie pour avancer, aller plus loin et pourquoi pas, gagner le défi Gandrange, gagner le futur Gandrange.

Restons ensemble, unis, pour faire plier Mittal.

Merci."

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