Le CNESER réuni en juridiction disciplinaire le 23 mai a décidé d’annuler les sanctions décidées par la commission disciplinaire de l’ENIM et prononcées à l’encontre de notre collègue.

La FSU se félicite de cette décision qui remet l’ordre républicain là ou régnait l’arbitraire.

Ci – dessous la dépêche de l’AEF qui propose une synthèse de cette audience.

Extrait Dépêche AEF n°150511

Paris, Mardi 24 mai 2011 18:05:43

Eni Metz : le Cneser disciplinaire « relaxe » l’enseignant-chercheur accusé de ne pas faire assez de recherche par la direction de son école

La juridiction disciplinaire d’appel du Cneser, réunie lundi 23 mai 2011 en séance publique pour examiner le cas de Romuald Stock, un enseignant-chercheur de l’Eni de Metz accusé par la direction de l’école de ne pas faire assez de recherche et sanctionné pour ce motif par une commission disciplinaire locale (AEF n°147431), a décidé d’annuler le jugement de première instance pour vice de procédure et de relaxer l’enseignant-chercheur. « Le Cneser parle de ‘relaxe’ comme au pénal, mais il s’agit en fait de la reconnaissance d’une absence de faute disciplinaire », explique à AEF Maître Stéphanie Hérin, conseil de l’enseignant-chercheur. « C’est une double décision, sur la forme et sur le fond. » Romuald Stock « retrouvera donc ses enseignements au plus tôt, le délibéré étant public et immédiatement exécutoire », souligne l’avocate. Il avait été sanctionné par une interdiction d’enseigner pendant un an et la privation de la moitié de son traitement pour la même durée. Stéphanie Hérin précise à AEF que, dans les faits, le salaire n’avait pas été retenu. Le rectorat de Nancy-Metz avait fait appel de cette décision le 28 mars dernier, « en accord avec la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche », précisait son communiqué.

Lors de l’audience, la juridiction a entendu tour à tour Pierre Padilla, directeur de l’Enim, Romuald Stock, l’enseignant-chercheur appelant, accompagné de son conseil Stéphanie Hérin, ainsi qu’un représentant du recteur d’académie de Nancy-Metz. Un témoin, Lionel Debuisson, responsable du département pédagogique de construction mécanique de l’Enim auquel appartient Romuald Stock, a été également entendu.

Durant plus de deux heures, les membres de la juridiction d’appel ont posé des questions aux différents acteurs présents. Voici quelques échos de cette séance publique, à laquelle AEF a assisté.

RECHERCHE. « Sur quelle base estimez-vous que Romuald Stock ne fait pas de recherche ? », demande un membre de la juridiction au directeur de l’Enim. « Depuis 2004, cet enseignant-chercheur ne répond à aucune de nos demandes concernant ses activités de recherche », répond Pierre Padilla. « Il a fait de la recherche pendant deux ans, puis a cessé après 2004 sous prétexte que j’étais le directeur et que tant que je le resterais, il ne ferait plus de recherche. » En fin de séance, Romuald Stock prend la parole pour expliquer qu’il « fait beaucoup de recherche et y met beaucoup d’énergie ». « Le directeur de laboratoire m’a questionné une seule fois et je lui ai répondu. » Pour lui, le problème avec Pierre Padilla vient du fait qu’en 2005, il a « signé une pétition demandant à ne pas reconduire le directeur de l’Enim dans ses fonctions car il y était déjà depuis 10 ans ». « Je suis passé dans le camp des hommes à abattre », estime-t-il.

NON PUBLIANTS. Interrogé sur l’existence d’autres cas de « maîtres de conférences non publiants à l’Enim » et sur son intention de les sanctionner, Pierre Padilla explique : « Les autres cas ne sont pas aussi significatifs. Je n’ai pas l’intention de traduire les autres non-publiants, car ils font autre chose. Si Monsieur Stock avait voulu faire 384 heures d’enseignement, comme un agrégé, on l’aurait accepté. Mais là, nous n’avions aucune réponse sur son activité de recherche, et moi j’ai des comptes à rendre vis-à-vis des instances d’évaluation comme l’Aeres. » Pierre Padilla revient sur « la culture de l’Enim » à son arrivée, en 1994, qui était « plutôt celle d’un lycée technique que celle d’un établissement d’enseignement supérieur et de recherche ». « Nous avons transformé des postes d’agrégés en postes de maîtres de conférences, voire de professeurs. Ce changement culturel est très dur à gérer. »

COMPÉTENCES. Le représentant du recteur est interpellé sur « la compétence du chef d’établissement pour apprécier les activités de recherche d’un enseignant-chercheur ». « La réglementation prévoit que c’est la section CNU qui évalue le niveau de recherche d’un enseignant-chercheur », répond-il. « C’est d’ailleurs sur ce point que le rectorat a formulé son appel. » « Il faut bien différencier deux questions », reprend le membre du Cneser à l’origine de l’interrogation : « Il y a d’un côté la compétence du directeur d’établissement à saisir la commission sur une affaire de recherche, et de l’autre la compétence de la commission disciplinaire elle-même. Quel est donc le motif de saisine, l’insuffisance professionnelle ? Est-ce une faute, de ne pas faire de recherche ? » Le représentant du recteur répond de nouveau : « Un directeur est habilité à saisir une commission disciplinaire, s’il pense que cela relève d’une faute. Il peut toujours la saisir ! Mais la commission n’est pas compétente pour cela. » Pierre Padilla prend la parole : « Je ne veux pas rentrer dans un débat sur l’insuffisance professionnelle, car Monsieur Stock a toutes les capacités pour faire de la recherche. Le seul problème, c’est qu’il n’en fait pas et qu’il n’est inscrit dans aucun laboratoire. »

RAPPORT D’AUTORITÉ. Interrogé sur « les états de service » de l’enseignant-chercheur et sur leurs modifications potentielles, Pierre Padilla confirme qu’ils ont été « partiellement modifiés, mais toujours dans son domaine de compétences ». L’avocate de Romuald Stock précise qu’il a « changé cinq fois de thématiques d’enseignement en sept ans » et interroge le directeur : « Pourquoi a-t-il été amené à dispenser des cours de chimie ? » Selon Pierre Padilla, « dans le département de production mécanique, il y a le domaine de la caractérisation des matériaux. Cela rentre dans le domaine de qualification d’in ingénieur. » La présidente de la juridiction d’appel du Cneser, Joëlle Burnouf, prend alors la parole : « Je rappelle qu’un ingénieur est un exécutant, même si c’est un exécutant d’un certain niveau. La différence profonde entre un enseignant-chercheur et un ingénieur réside précisément dans la manière de concevoir les rapports de travail et de compétences. Vous n’êtes plus dans un lycée technique avec une certaine autorité sur les professeurs agrégés, c’est terminé ! Vous êtes dans l’ancien monde, pas dans celui des écoles d’ingénieurs. »

POLYVALENCE. En réponse à la présidente, Pierre Padilla explique : « L’organisation de notre école est celle des départements. À l’intérieur de ces départements, les profs organisent leur activité pédagogique et je n’interviens pas dans la répartition de cette activité. De plus, notre pédagogie très pratique passe beaucoup par des TP, avec des groupes de 12 élèves. Nous sommes obligés d’avoir une grande polyvalence ! » La présidente rebondit : « Mais justement, un enseignant-chercheur n’est pas polyvalent ! C’est en contradiction avec notre statut. »

TOGES. L’un des membres du Cneser disciplinaire interroge Pierre Padilla sur la tenue revêtue par les membres de la commission disciplinaire de l’Enim ayant sanctionné Romuald Stock, à savoir des « toges, symboles d’un tribunal, qui ne sont pas dans les habitudes » de ce type d’instance. « En effet, le président de la commission m’a demandé comment ils devaient s’organiser et ils ont choisi de porter des toges », répond Pierre Padilla, qui poursuit : « Je ne vois pas où est le problème avec les toges. » Plus tard, interrogé sur le fait de savoir si c’était l’établissement qui avait procuré ces toges, le directeur de l’Enim répond par l’affirmative.

HUMILIATION. Prenant la parole après que Romuald Stock a présenté son activité de recherche en détail à la juridiction du Cneser, Stéphanie Hérin conclut l’audition par une plaidoirie qui met l’accent sur une « situation illégale et arbitraire » en cours à l’Enim et sur « l’humiliation » subie par l’enseignant-chercheur. « Je vous demande de condamner avec force la décision de la commission disciplinaire et de rétablir Romuald Stock dans son honneur, car il a été humilié. De plus, il existe un principe fondamental, celui de l’indépendance des enseignants-chercheurs, consacré par le Conseil constitutionnel, qui réserve l’évaluation de la recherche au CNU. Ce n’est pas un principe vain, dans une nation civilisée et démocratique comme la France. Qu’une procédure disciplinaire soit lancée pour une question portant sur la recherche, c’est une hérésie juridique. »